A Mons en Baroeul, suite à un vote de l’ensemble des membres de DiEM25 en Europe, dans la banlieue Lilloise, plusieurs membres de DiEM25 participent à une liste citoyenne, écologique, sociale et solidaire. Brice Montagne a interviewé Nicolas Dessaux, candidat à Mons en Baroeul, sur le fonctionnement participatif de ce projet.
Brice Montagne : Bonjour Nicolas, peux-tu nous présenter la ville de Mons en Baroeul ?
Nicolas Dessaux : Mons en Baroeul est une ville de près de 22 000 habitant-es dans la banlieue lilloise. Elle était autrefois formée de deux noyaux, l’ancien village où résidaient les notables et un quartier ouvrier connecté sur les usines lilloise, sidérurgie et textile. Dans les années 1970, ces noyaux ont été reliés par une ville nouvelle formées d’innombrables barres d’immeubles ; les tours Europe, qui marquent le paysage urbains avec leurs 20 étages, forment la plus grande copropriété au nord de Paris. Le parc de logements sociaux est important, avec un taux supérieur à la moyenne nationale. De nombreuses familles ont des origines, proches ou lointaines, au Maroc, en Pologne, en Grèce, en Turquie, en Arménie, et dans une soixantaine de pays. Une grande partie de la population travaille dans le secteur du commerce (grande distribution, enseignes), dans les villes voisines, ou dans les assurances – une importante compagnie ayant son siège dans la commune.
Mons en Baroeul était également, à la fin des années 70, une référence pour l’autogestion et la démocratie locale. La municipalité socialiste avait soumis le vote du budget à un référendum des habitant·es, elle avait créé un système pour élire, à titre consultatif, des conseillers immigré·es, pour représenter celles et ceux qui n’avaient pas le droit de vote. Mais au fil du temps, les municipalités suivantes ont démantelé ce système de démocratie locale. L’actuel maire, élu depuis 18 ans, est un centriste, officiellement sans étiquette.
Brice Montagne : Comment s’est lancée la liste Un nouveau souffle à Mons, à laquelle participent plusieurs membres de DiEM25 ?
Nicolas Dessaux : Les sources de la liste sont multiples. A l’origine, il y a eu une série de collectifs écologistes locaux (zéro déchets, climat,…), et des élus de sensibilité écologiste qui ont rompu avec la majorité municipale. Mais au fur et à mesure, ce noyau s’est étendu : syndicalistes, membres d’associations de parents d’élèves, de clubs sportifs ou culturels, des associations de quartier, bref le tissu associatif local qui constitue la force vive de la gauche dans les banlieues. Au fil du projet, un rapprochement s’est opéré avec la section locale de la France Insoumise, dans cette circonscription qui a élu à l’assemblée nationale un député LFI.
Les militantes·es de DiEM25 ont été sollicitée·es, d’abord à titre individuel, puis dans le cadre du vote de tous les membres pour la participation aux municipales dans plusieurs villes françaises. A l’heure actuelle, l’ordre de la liste n’est pas définitif, mais il est convenu que notre camarade Nathalie Robillart, membre du collectif national de DiEM25 et militante syndicale de longue date, sera en bonne position.
Brice Montagne : Comment s’est déroulé le processus de rédaction du programme ?
Nicolas Dessaux : Dès le départ, le projet a été celui d’une liste participative, ouverte aux habitant·es.. Même si les militant·es des mouvements politiques y prennent part et apportent leur soutien, il ne s’agit pas d’une coalition de partis. La volonté de démocratie locale commence par ce projet ouvert.
Pour rédiger le programme, il y a eu trois séances d’ateliers, qui ont réuni au total une centaine de personnes. Chaque séance regroupait sept ou huit ateliers, avec cinq à dix personnes autour de chaque table. Les ateliers étaient animés par des volontaires : ainsi, des militant·es de DiEM25 ont animé des ateliers sur la culture, l’emploi, l’égalité femmes hommes ou encore le logements. Il s’agissait d’impulser la discussion, parfois de rappeler les enjeux ou les possibilités d’action d’une commune, mais surtout d’écouter la parole des habitant·es afin que le programme reflète leurs préoccupations. Parmi les propositions, celles liées à la démocratie locale, à l’expression de la population, au budget participatif ou à la vie associative sont souvent revenues.
A l’issue de ces ateliers, la tête de liste a été élue parmi deux candidat·es : c’est Timothée Lebon, militant écologiste élu municipal, fondateur du club de badminton, fort connu localement.
Ensuite, il y a eu une collecte d’informations sur les deux marchés hebdomadaires de la ville : une équipe interrogeait les gens sur leurs souhaits pour l’avenir de la ville, en les interpellant avec des questions comme : “qu’est-ce que vous feriez si vous étiez maire ?” ou “que manque-t-il à Mons ?”. Cette étape était importante pour élargir la vision, sortir des préoccupations des militant·es pour mieux comprendre les attentes de la population.
Sur cette base, un premier jet de programme a été établi, avec pas moins de 220 propositions. Mais il fallait aller plus loin : une équipe a mené une opération de porte à porte, pour présenter le projet et écouter d’autres habitant·es.
Enfin, des réunions ont été tenues dans chaque quartier de la ville, ce qui a permis de toucher des gens qui ne venaient pas aux réunions auparavant, dont des figures connues des quartiers. Peu à peu, cela a fait évoluer le programme.
Dernière étape, les propositions du programme ont été synthétisées et soumises au vote des participant·es aux ateliers afin de choisir celles qui allaient être mises en avant. Cela a permis de sélectionner des mesures qui n’auraient pas forcément été les premiers choix des militant·es, mais qui reflètent bien les préoccupations de notre base électorale, comme le souhait d’une cuisine centrale de qualité, privilégiant les circuits courts, pour les écoles et les maisons de retraite. L’urgence climatique rencontre donc les besoins de la population.
Brice Montagne : Quels sont les principaux obstacles à surmonter pour organiser cette liste ?
Nicolas Dessaux : Le taux d’abstention est très fort à Mons en Baroeul, en particulier dans les classes populaires. Malgré les efforts pour étendre la base sociale et électorale de la liste, il serait vain de prétendre qu’elle reflète la composition de la population monsoise. Elle reste marquée par la sociologie classique de la gauche et de l’écologie en France, par son niveau d’étude, son manque de diversité, ses préoccupations. Tout le monde en est conscient : que nous gagnons ou pas cette élection, c’est le travail qui nous attend dans les années à venir.
Par ailleurs, quand on s’engage dans une démarche municipaliste, il faut accepter d’emblée que le programme ne ressemblera pas forcément à ce qu’on avait imaginé au départ. On y va comme habitant·es, avec les habitudes, bonnes ou mauvaises, de l’expérience militante, et on se pose simplement la question de savoir si le résultat est compatible avec les valeurs que nous portons. Avec le projet monsois, je n’ai aucun doute sur le sujet. Cela pose naturellement la question du lien entre mouvements politiques et listes « citoyennes ». Pour ma part, je ne vois pas en quoi l’adhésion à un mouvement ou un parti priverait de la qualité de citoyen·ne, mais c’est un débat qui est revenu de manière lancinante dans le processus, et on voit que certaines listes dans d’autres communes sont fermées aux partis – quitte à se structurer d’une manière qui n’est pas si différente.
La victoire est loin d’être assurée, mais le projet est intéressant. Il propose aux habitant·es de Mons en Baroeul une alternative à gauche, ce qui n’était pas arrivé depuis longtemps. Il propose l’unité de la gauche et des écologistes, qui s’avère si difficile à réaliser dans d’autres villes, alors que le “peuple de gauche” la réclame. Et pour DiEM25, c’est un défi puisque 2020 est l’année de notre première participation aux municipales en France.
- Brice Montagne et Nicolas Dessaux sont membres du collectif national de DiEM25 pour la France
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