La censure des réseaux sociaux menace-t-elle la démocratie ?

La désinformation est un sujet qui domine les élections américaines, mais que se passe-t-il lorsque les fuites d’informations sont censurées par les réseaux sociaux?

Le débat sur la censure des réseaux sociaux a fait rage pendant la période précédant les élections américaines de 2020. Twitter et Facebook avaient choisi de supprimer un article* mettant en avant des fuites de courriels liant Hunter, le fils du candidat américain à la présidentielle Joe Biden à un trafic d’influence avec des oligarques ukrainiens alors que son père était vice-président.

Bien que Twitter et Facebook aient désormais autorisé le partage de cette histoire sur les plateformes de leur réseaux sociaux, la politique générale qui reste en place préconise la censure de tout article dont le matériel aurait été piraté. Depuis l’histoire de Hunter-Biden et les critiques sévères du public, Twitter a publié des déclarations supplémentaires sur sa politique en matière de matériel piraté, annonçant qu’il autorisera « les comptes rendu des piratages ou le partage de la couverture médiatique de ces derniers ». Ils ont déclaré après coup que le retrait de l’article avait été effectué pour protéger les informations privées contenues dans la fuite. Néanmoins, la question de savoir si les sociétés de médias sociaux devraient avoir le pouvoir de décider, à huis clos, quand et quel contenu censurer ou celui « d’ajouter un contexte supplémentaire », devrait tout de même être soulevée.

Cela crée un dangereux précédent car une définition aussi ambiguë du matériel « piraté » aurait pu empêcher la divulgation de documents tels que les Pentagon Papers, les journaux de guerre de l’Irak, les fuites de Snowden et les expositions futures de fautes professionnelles publiques et privées.

Au sein de DiEM25, nous nous opposons à la censure passée, présente et future de tout document susceptible d’éradiquer la corruption. Et en ces temps où les campagnes de désinformation ont un impact sérieux sur les élections, comment pouvons-nous faire la distinction entre les documents controversés et ceux qui devraient être retirés en raison d’informations manipulées ou faussées?

Une brève histoire de la censure des réseaux sociaux.

Nombreux sont ceux qui considèrent que la censure coordonnée par Facebook, Twitter et YouTube de l’animateur d’InfoWars, Alex Jones, en 2018, était le début de cette prétendue censure par les compagnies des médias sociaux de Big Tech. Selon certains, la suppression du compte de Jones a marqué la censure la plus médiatisée après que Facebook et Twitter aient commencé à éliminer les contenus jugés terroriste en 2015. Une répression accrue s’est tenue après les élections américaines de 2016  dans le sillage d’une prétendue campagne de désinformation russe – et des divulgations par des sites tels que Wikileaks.

Les suspensions de comptes se sont multipliées à l’approche des élections de mi-mandat américaines de 2018. Des militants de Wall Street, des médias indépendants de gauche et de droite, et des sites de partage d’informations de titres « à sensation » ont vu leurs comptes supprimés et leurs pages retirées, souvent sans explication.

La suppression d’un article du NY Post a marqué « la première occurrence » lors de laquelle Facebook et Twitter ont empêché la diffusion d’une actualité. L’interdiction empêchait les utilisateurs de partager des liens vers l’article en question, tandis que d’autres, comme la secrétaire de presse de la Maison Blanche Kayleigh McEnany, avaient vu leur compte verrouillé les empêchant de tweeter l’histoire à leurs followers.

Pendant ce temps, le compte Twitter du NY Post avait été bloqué après avoir posté un tweet concernant cette histoire et restera bloqué jusqu’à ce que le tweet contenant l’article en question soit supprimé. Le 30 octobre, le compte a été débloqué 16 jours après la publication en raison des « réactions du public », sans toutefois avoir supprimé le tweet vers l’article.

L’influence étrangère dans un monde connecté

Alors que Facebook et Twitter cherchaient à limiter le lectorat de l’article du NY Post, des questions se sont posées sur l’origine des documents divulgués dans l’article. Plus précisément, à savoir s’ils faisaient partie d’une campagne de désinformation russe.

La culpabilité par association – la longue affinité supposée de l’administration Trump avec la Russie – a effectivement supprimé l’enquête sur les questions soulevées dans l’article. La National Public Radio (NPR) a carrément refusé de faire un reportage sur l’histoire, tandis que le New York Times  et le Washington Post avaient concentré leurs recherches sur les auteurs de l’article du NY Post. Et pourtant, même si l’information est qualifiée de désinformation russe, cela la rend-t-elle fausse pour autant?

Comme on l’a vu en 2016, des documents partagés par Wikileaks ont révélé les tactiques utilisées par la campagne d’Hillary Clinton pour nuire à son principal adversaire, Bernie Sanders. Il est important de noter que l’authenticité des documents n’a pas été contestée. L’équipe de Clinton a plutôt cherché à minimiser les révélations en les attribuant à des « fausses nouvelles » de la « propagande russe ».

De même, des documents ayant fait l’objet d’une fuite démontrant d’éventuelles négociations commerciales entre le Royaume-Uni et les États-Unis, notamment concernant le fait que le service de santé du pays était « à vendre » à des entreprises américaines, ont été qualifiés de désinformation russe lorsqu’ils ont été partagés par le leader travailliste britannique Jeremy Corbyn pour critiquer la politique du Premier ministre Boris Johnson lors des élections de l’année dernière. Là encore, les documents n’ont pas été contestés.

Vidéo : Une brève histoire des révélations les plus importantes de Wikileaks depuis sa création par l’Internationale progressiste.

Entreprises privées : Une ligne de défense ?

Et pourtant, qu’en est-il de la désinformation délibérée ?

Examinez la façon dont le président Trump a utilisé Twitter. Tout comme son prédécesseur, Barack Obama, l’équipe de M. Trump a utilisé les médias sociaux pour promouvoir et « adopter des lois ». Trump a également utilisé Twitter pour diffuser des informations erronées sur la légitimité du vote.

Trump n’est pas le seul dirigeant à se livrer à la désinformation sur les réseaux sociaux et à utiliser cette plateforme pour « contrôler le récit ». Le premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a tweeté que les interrogations portant sur une apparente mauvaise utilisation des fonds publics étaient des « fausses nouvelles », bien que sa femme ait admis plus tard qu’elles étaient vraies devant le tribunal.

Plus récemment, le président français Emmanuel Macron a suscité la colère sur Twitter après avoir déclaré que « la France ne cédera jamais »  en faisant référence à « l’Islam radical »  après la décapitation d’un enseignant dans le pays. Beaucoup de personnes dans le monde musulman ont condamné l’ « attaque de Macron contre l’Islam plutôt que contre les terroristes » eux-mêmes.

Naviguer dans un nouveau paysage médiatique

La semaine dernière, Mark Zuckerberg, de Facebook, et Jack Dorsey, de Twitter, étaient à Washington pour discuter de la censure des médias sociaux.

L’audition a de nouveau soulevé l’idée de révoquer la section 230, qui donne aux sociétés des médias sociaux l’immunité contre ce que leurs utilisateurs partagent sur leur plateforme. Cela rendrait Twitter et les autres médias sociaux légalement responsables de ce que les utilisateurs partagent. Les démocrates et les républicains, ainsi que Donald Trump et son adversaire Joe Biden, sont favorables à une modification de la section 230.

En attendant, Twitter a commencé à modérer le contenu des publications comme si la section 230 avait déjà été révoquée. On a empêché le magazine socialiste Jacobin de partager certains contenus de publication avec Bernie Sanders et, à l’opposé, l’ancien procureur général américain Eric Holder a été repéré pour avoir partagé des informations soi-disant erronées portant sur le vote. Beaucoup prévoient que cette réalité de modération renforcée et le fait que les sociétés des médias sociaux se rangent du côté des « utilisateurs-plaignants » seraient la solution finale pour éviter des litiges.

La frontière est mince entre partage et censure

Les médias sociaux sont une plateforme nécessaire pour que le public ait un accès direct à la corruption démasquée des dirigeants mondiaux et, en même temps, les plateformes des médias sociaux ont la possibilité, en tant qu’entreprise privée et éditeur d’informations, de corriger la désinformation sur leur plateforme. En ne faisant pas cela, la désinformation – ainsi que la corruption dénoncée par les divulgateurs – devient tout simplement une divergence d’opinion, ce qui est dangereux pour la survie de la démocratie.

La confiance du public dans les institutions et leurs gouvernements peut être considérée comme plus faible que jamais, les citoyens du monde entier étant sensibles à la propagande et aux théories du complot. C’est précisément le moment où les divulgateurs devraient pouvoir partager des informations cruciales avec le public.

Texte traduit en français par Sonja Grbavac.

Source Photo: Tracy Le Blanc de Pexels.

* Les liens de cet article renvoient vers des contenus en anglais.

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