Art, Guerre et Prétendues Démocraties

Depuis début mai, le monde assiste une fois de plus à l’escalade de la violence en Israël-Palestine.

Les actes de haine et de violence entre les populations juive et palestinienne, y compris les tirs de roquettes du Hamas contre Israël et les frappes aériennes israéliennes dans la bande de Gaza, provoquent une fois de plus une catastrophe permanente, des souffrances indicibles et la mort d’innocents, principalement des enfants et des femmes.

Incroyablement, une Biennale au titre controversé, Vivre ensemble — Traverser les frontières, se déroule là-bas, au milieu du chaos. Il s’agit de la 4ème Biennale méditerranéenne, qui est réalisée dans des bâtiments publics et privés le long d’une rue de HAIFA – SAKHNIN VALLE.

Les conservateurs soutiennent que « … la 4ème Biennale méditerranéenne cherche à renforcer la solidarité, en approfondissant la notion de la ville en tant qu’espace public partagé, en réponse à la crise actuelle du Coronavirus et de ses variants. Elle soutient l’interaction interpersonnelle au-delà des frontières à une époque de restrictions des déplacements et de distanciation sociale ». Le titre et le concept ont probablement été conçus plusieurs mois avant la dernière escalade de la violence.

Malheureusement, dans les circonstances actuelles, ce titre semble plutôt ironique. Les artistes participants, parmi lesquels des artistes politiquement dissidents tels que Carlos Amorales, Chto Delat, Almaagul Menlibeyava, Ciprian Muresan, Jammis Kounellis et Nevin Aladağ (Turquie-Allemagne), Hacer Kıroğlu et Ali Kazma de Turquie, ont dû remarquer qu’à ce stade, il s’agit « …d’un jeu joué par le destin », un dicton populaire en Turquie.

En effet, ayant pris conscience de cette ironie, les conservateurs et les artistes ont déclaré ce qui suit : « Nous vivons des jours difficiles face à une violence et une hostilité que nous n’avions pas connues jusqu’à présent. En tant qu’artistes, nous avons un rôle et la responsabilité de créer un dialogue entre les êtres humains et de créer un lieu où chacun peut s’exprimer dans un débat où il n’y a ni gagnant ni perdant… « .

Comment tous ces artistes réagiraient-ils à cette catastrophe en cours s’ils le devaient ? Dans tous les pays des cinq continents, y compris les États-Unis et l’Union européenne, il existe des « tabous » qui limitent la liberté d’expression, principalement la religion et les symboles nationaux. Dans les pays où la démocratie est forte, la censure intervient au niveau le plus bas, mais dans les pays où la démocratie est endommagée, elle intervient au niveau le plus élevé, c’est-à-dire avec l’emprisonnement des artistes.

Par exemple, les artistes qui produisent des œuvres d’opposition sévère appliquent l’autocensure dans leur propre pays lors d’expositions organisées dans le monde arabe  ! La Turquie et Israël, avec leurs prétendues démocraties, ne font pas exception.

Cependant, aujourd’hui, les concepts, les méthodes et les formes utilisés pour produire l’art ont le pouvoir de transmettre le message nécessaire à la société. Il s’agit d’une méthode de construction de métaphores qui est valable depuis l’émergence du surréalisme. Il est clair que l’art d’aujourd’hui a un pouvoir inquiétant, qui nous met en garde contre l’aliénation et nous propose des solutions ! Les artistes et les conservateurs conscients de ce pouvoir doivent poursuivre leur tâche.

Existe-t-il une autre région du monde que la Méditerranée, où l’histoire et la culture créent des rencontres et des diversifications aussi extraordinaires ? Et que vit cette région dans le contexte de la tourmente, appelée mondialisation-néo-capitalisme-post-vérité, de ce siècle ?

Dans cette région, les religions, les cultures et les ethnies ont formé des nœuds impossibles à défaire. L’étape la plus récente de la rencontre et de la diversification a eu lieu lorsque la tradition et le modernisme se sont rencontrés avec des ruptures radicales, des résistances brutales, des soumissions chargées et des assimilations douloureuses. De grandes transformations, qui ont laissé derrière elles des guerres, des migrations, des villes détruites ou contraintes de changer,… difficiles à appréhender dans le cadre de sa propre vie… tout en vivant au milieu de complexités militaires, politiques, économiques, sociales, de contrastes, de richesses enviables, de pauvretés affligeantes, de fluctuations économiques, de désastres écologiques, de corruption politique. Les Méditerranéens sont à la fois enviés et harcelés par le reste du monde.

Les villes millénaires de la Méditerranée recèlent en elles-mêmes les souvenirs profonds et complexes de toutes ces transformations. Les artistes d’aujourd’hui, qui refusent d’accepter la réalité et la vie telles qu’elles sont, retracent ces souvenirs scrupuleusement et avec patience. Ils affirment que pour comprendre la Méditerranée et tout ce qu’elle implique, il est peut-être nécessaire de prêter attention et d’étudier l’art postmoderne produit dans cette région. Ils prétendent que c’est peut-être la voie la plus facile, et que les métaphores sont souvent plus significatives que les réalités et les vies.

Mon expérience professionnelle avec Israël

Israël est le premier pays du Moyen-Orient où je me suis rendue. Trois fois : en 1994, 1996 et 1999. Les collections d’art moderne et contemporain les plus complètes à l’Est de Vienne se trouvent dans les musées d’art moderne et contemporain de Tel Aviv et de Jérusalem. Le musée de Téhéran, fondé en 1977 à Téhéran par Farah Pahlavi, ne peut rivaliser avec la collection du musée d’art contemporain ni avec celles acquises par de riches cheikhs dans les pays arabes au cours des 20 dernières années.

Chaque année, des hommes d’affaires vivant hors d’Israël font don de nouvelles œuvres aux collections, selon les listes établies par les conservateurs du musée. Juste avant l’assassinat du président Rabin en 1994, j’ai été invité au 1er ArtFocus organisé pour promouvoir l’art contemporain israélien. Celui-ci est devenu la Biennale de Jérusalem en 1999. Cette première biennale, organisée par Kaspar König, s’est tenue dans la vallée, autrefois appelée Gehenna (enfer), aujourd’hui connue sous le nom de Sultan’s Pool, qui sépare la vieille ville de la ville nouvelle, et a été fortement critiquée pour son budget de 1,3 million de dollars et son contenu.

En 1996, j’ai été à nouveau invitée à un atelier intitulé « Forum israélien pour la culture méditerranéenne », organisé par la Fondation de Jérusalem et l’Institut Jan van Leer. Après 1998, il m’a été difficile d’obtenir un visa pour me rendre en Israël car mon passeport portait des tampons de pays islamiques tels que le Liban, la Jordanie et l’Égypte. Bien que j’aie été invitée à une conférence à Ramallah, je n’ai pu y aller. La tolérance et l’hospitalité avaient pris fin. La production artistique contemporaine d’Israël attire souvent l’attention au Pavillon des Biennales de Venise. Il convient toutefois de noter que les artistes sélectionnés ne peuvent plus réaliser aussi librement des œuvres critiques sur le plan politique et culturel et les exposer dans le pavillon officiel.

 

Texte traduit en français par Elise Kerremans.

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