Gilets jaunes: quel avenir politique pour l'explosion sociale?

De nombreux membres de DiEM25 en France et à l’étranger ont interpellé la coordination nationale française sur notre position des Gilets jaunes, surtout après que les scènes de violences sur les Champs Elysées aient fait le tour de la planète.
Nous n’avons pas peur de le dire : nous étions perplexes et divisés vis-à-vis d’un mouvement pluriel, voire confus, qui a fortement évolué en deux semaines. Au demeurant, une partie importante de la gauche française partageait nos interrogations.
Rappelons que le premier appel à manifester en gilet jaune, le 17 novembre, est parti de la contestation de la nouvelle taxe imposée sur le diesel par l’Etat, supposée « financer la transition écologique ». Nous ne sommes pas dupes de l’imposture totale de cette taxe, issue d’un gouvernement qui a supprimé l’impôt sur la fortune et qui par ailleurs multiplie les mesures anti écologiques, comme l’ouverture d’une mine d’or en Guyane malgré l’opposition des populations. Sachant que la fiscalité écologique est portée très majoritairement par les ménages, et non par les grandes entreprises polluantes.
Pour autant, à cette date, majoritairement, nous n’étions pas disposés à nous associer à une manifestation soutenue fortement par toute l’extrême droite et les mouvements et groupuscules souverainistes, mais aussi par bon nombre d’éditoralistes de droite et libéraux. S’il se voulait défenseur de «La France du bas » le mot d’ordre anti-taxe ne s’accompagnait alors d’aucune revendication sur les salaires ou sur des mesures sociales précises. Par ailleurs, sa couverture bienveillante de la part des médias, alors qu’il ne mobilisait pas davantage et plutôt moins que les manifestations contre la loi travail et les ordonnances de Macron, nous incitaient à la méfiance vis à vis de mots d’ordre contre la fiscalité, et donc contre la dépense publique et la redistribution.
Cela dit, la dimension populaire du mouvement, portée effectivement par des travailleurs souvent étranglés par les politiques d’austérité, nous a interpellés. Au delà de la fronde anti taxes, les témoignages montrent une France qui en effet a du mal à boucler les fins de mois. Et qui a l’impression à juste titre que les impôts et taxes qu’elle paye n’empêchent pas les services publics de se dégrader à grande vitesse : l’hôpital public est en crise, on annonce des suppressions de postes dans l’enseignement, les zones rurales voient fermer leurs services publics. L’injustice fiscale et le pillage des richesses par les élites sont fortement ressentis.

Par ailleurs, le mouvement dès le début a montré une très grande diversité des acteurs selon les lieux : si l’extrême droite était très présente dans le Sud et les manifestations parisiennes, à Saint-Nazaire, par exemple, il rejoignait des revendications syndicales et progressistes.
Il faut aussi citer le cas de l’île de La Réunion, marquée par la pauvreté et un très fort taux de chômage, où le mouvement s’est enflammé très rapidement et où ce sont les revendications sociales qui priment.
Depuis quinze jours, vous avez tous été témoins de l’extension du mouvement et de sa dimension insurrectionnelle avec une violence à laquelle a répondu une extrême violence policière (à laquelle nous sommes habitués dans les manifestations en France). Au départ surtout marqué sociologiquement par la petite classe moyenne, qui travaille mais a du mal à payer ses factures, le mouvement s’est étendu aux précaires et désormais aux lycéens. La fronde anti taxe s’est transformée en mouvement beaucoup plus large de ras-le-bol qui fait apparaître une liste de revendications. Beaucoup d’entre elles portent sur la justice et l’égalité : justice fiscale, augmentation du SMIC, impôt sur le revenu plus progressif, fin de la politique d’austérité, salaire maximal à 15000 euros, fin de la fermeture des services publics. D’autres sont beaucoup plus problématiques pour un mouvement progressiste, comme la reconduite à la frontière des déboutés du droit d’asile et l’augmentation des moyens de la police et l’armée, ou basculent dans le folklorique. Précisons d’ailleurs que le mouvement étant décentralisé et avec des leaders autoproclamés et contestés, ces listes varient selon les sources. Il est amusant de constater d’ailleurs que depuis que le mouvement présente des revendications sociales et politiques, et que ses éléments violents s’attaquent aux boutiques de luxe, le discours des éditorialistes de droite qui le soutenait a fortement changé.
Quel débouchés politiques ? Pour le moment, un axe et un mot d’ordre principal unit un mouvement disparate : le rejet du gouvernement Macron dont les gilets jaunes appellent à la démission (ainsi qu’à la dissolution de l’Assemblée nationale. Un rejet à la fois de sa politique, mais aussi de la personnalité de Macron lui-même, perçu à juste titre comme emblématique du mépris de classe. Il faut dire que lui et son gouvernement ont multiplié les provocations de langage vis à vis des « gens qui ne sont rien », des « chômeurs qui n’ont qu’à traverser la rue pour trouver un emploi. »

Cette détestation se double d’un rejet massif des mouvements politiques, et plus généralement, d’une méfiance de tous les corps intermédiaires, dont les syndicats. Si l’extrême droite et le mouvement souverainiste Debout la France de Dupont Aignan s’agitent beaucoup pour récupérer le mouvement,, ils sont majoritairement rejetés. La dernière manifestation a d’ailleurs marqué une bascule avec des figures de l’extrême droite jetée hors des manifestations. En revanche, plusieurs leaders autoproclamés sont issus du Rassemblement national de Marine Le Pen ou préconisent des solutions apparentées au fascisme, comme un gouvernement provisoire par un général apparenté à l’extrême droite.
Mais on voit aussi émerger une forte demande d’assemblées citoyennes et de démocratie participative.
Le mouvement aujourd’hui est national, et pour une part nationaliste, voire localiste. Y tenir un discours sur la réforme de l’Europe aura du mal à être audible. Il n’empêche qu’il interroge notre mouvement, non seulement sur les exigences de justice sociale et fiscales que nous partageons, mais aussi sur les questions d’inégalités territoriales qui devrait aussi être l’un de nos piliers de travail et qui traversent toute l’Europe et au dela : il en a été fortement question lors du Brexit opposant Londres au Nord désindustralisé et lors de l’élection de Trump. Elles prennent un aspect différent et singulier dans chaque pays, mais c’est une question sur laquelle il nous semble que DiEM25 doit travailler à l’échelle européenne, et qui mêle plusieurs de nos piliers fondateurs et des axes du Printemps européen : justice sociale, services publics, transition écologique, réduction des inégalités éducatives et culturelles. Il nous faut aussi contrer un discours réactionnaire, souvent teinté de racisme, qui oppose « la France périphérique (supposée blanche )  » aux « citadins bobos » et aux « banlieues » multiculturelles « pour lesquelles on en a trop fait ». Et réaffirmer que notre solidarité ne s’arrête pas aux frontières.
Ce mouvement est aussi l’occasion d’approfondir notre discours sur la transition écologique qui ne peut pas se faire aux dépens des classes populaires et qui interroge les modes de vie. La France est championne toute catégories en Europe pour l’étalement urbain et l’implantation de centres commerciaux en périphéries. Les politiques comme les publicitaires ont incité pendant des années à une France de petits propriétaires, aujourd’hui étranglée par les crédits et dépendante de la voiture pour sa mobilité. Une réflexion sur la transition ne peut pas faire l’économie de penser l’aménagement du territoire et des mobilités.
Le 8 décembre, il y aura en France comme partout ailleurs une marche pour le climat à laquelle DiEM25 s’associe. Il y a eu des appels en direction des gilets jaunes pour qu’ils s’y joignent. Ce sera peut-être l’occasion d’amorcer une discussion. En attendant, le mouvement a ouvert un vaste débat en France. Nous n’en cautionnons pas les débordements, nous condamnons ses tentatives de récupération, mais nous ne pouvons par l’ignorer, ni surtout ignorer la colère sociale qu’il manifeste contre les politiques d’austérité imposées par la politique de plus en plus thatchérienne de Macron.
Le gouvernement a annoncé un moratoire sur la taxe sur le diesel et quelques mesures, mais qui ne sont en rien à la hauteur de la colère sociale et ne remettent pas en cause les politiques d’austérité globale. Pire : elles risquent d’être compensées par de nouvelles coupes dans les dépenses publiques.
Mise à jour – /7/12/2018

À la veille de la quatrième journée d’action des Gilets jaunes, le ton est à la dramatisation. Le gouvernement a choisi d’envoyer des blindés dans les rues avec 89000 policiers, dont 8000 à Paris, et prend un ton très alarmiste sur le risque de violence pour dissuader de manifester. Les policiers parlent de tirer à balles réelles sur les manifestants violents 

Alors que le mouvement des lycéens prend de l’ampleur, l’extrême violence policière à leur égard suscite une indignation généralisée à gauche et une vidéo de scène d’humiliation d’adolescents intolérable, très partagée sur les réseaux sociaux embarrasse le gouvernement. 

Le président Macron a déclaré qu’il s’exprimerait en début de semaine prochaine. Les discussions avec le Premier ministre avec les Gilets jaunes à Matignon ont tourné court et ont montré la division du mouvement. Les appels au calme ne semblent en rien entamer la détermination du mouvement dont une partie de la base ne veut pas négocier. Tous les regards du gouvernement, totalement aux abois, sont désormais tournés vers la journée de demain qui risque d’avoir des conséquences radicales.

Les syndicats restent prudents. Dans une déclaration signée par sept d’entre eux, ils exhortent le gouvernement à la négociation sur le pouvoir d’achat, les salaires, le logement, les transports et les services publics, mais condamnent la violence. La CGT déclare qu’elle ne peut pas envisager une convergence totale avec les Gilets jaunes en raison de la présence de l’extrême droite mais condamne fortement les violences policières et appelle à une journée de grève le 14 décembre.

À l’initiative d’Attac et de la Fondation Copernic, un appel de personnalités politiques, syndicales, associatives, universitaires ou artistes, auquel DiEM 25 s’est associé, invite à la manifestation pour le climat en convergence avec la journée d’action des gilets jaunes.

Hier, au meeting d’entrée en campagne de Benoît Hamon de Génération.s, mouvement allié à DiEM 25 dans le cadre du Printemps européen et où intervenaient Yanis Varoufakis, ainsi que Jacques Terrenoire pour DiEM 25 France, plusieurs orateurs dont James Galbraith ont souligné que les Gilets jaunes étaient les enfants des politiques d’austérité et se sont insurgés contre le mépris visant le mouvement. Yanis Varoufakis comme Benoît Hamon ont souligné la responsabilité du gouvernement pour en appeler à un New Deal écologique et social pour sortir de cette situation par le haut, à l’échelle européenne.

Valérie de Saint-Do, membre du Collectif national DiEM25 en France.

Photos par Emma Justum, membre du Collectif national de DiEM25 en France.

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