En ce mois de mars, l’ex-ministre des finances de la Grèce lance un nouveau « front patriotique » en Grèce, une large alliance progressiste de la gauche, des verts et libéraux grecs, appelant à une désobéissance réaliste.
UNE BRÈVE HISTOIRE DE LA « PRISON DE LA DETTE » SUBIE PAR LA GRÈCE
La « prison de la dette » que subit la Grèce trouve ses racines dans l’histoire de son oligarchie, ainsi que dans l’architecture économique de l’Union Européenne (et en particulier dans celle de la zone euro). S’en libérer ne sera pas chose facile. Cependant, l’évasion de cette prison de la dette, ne permettra à l’ensemble des grecs de chérir à nouveau l’espoir de regagner leur dignité, et un minimum de prospérité partagée.
Durant l’après-guerre civile, la croissance de la Grèce s’est produite dans le contexte d’un cadre politique totalitaire, auquel on avait adossé un vernis de parlementarisme. De nouvelles industries ont été mises en place dans les années 1950, sous la protection d’un État autoritaire et paternaliste. Bâties sur des fondations fragiles et non compétitives, elles n’ont tout simplement pas pu résister aux ondes de choc des années 1970, qu’il s’agisse des hausses de prix du pétrole, de la crise économique internationale qui suivit, ou de la suppression des barrières douanières dans les années 1980, exigée bien avant que la Grèce ne puisse rejoindre l’Union Européenne (la CEE à l’époque). La chute de notre industrie conduisit à une récession, et produisit des cohortes de travailleurs sans emploi qui, en l’absence d’un État providence, furent peu à peu ré-employés par l’État – ce furent les débuts du fardeau de la dette publique.
L’entrée de la Grèce dans l’UE (CEE) en 1980, et en particulier dans la zone euro en 2000, a créé de nouvelles opportunités d’enrichissement pour l’oligarchie grecque sans frontières. Leur poids politique pré-existant aida la classe supérieure à se transformer de capitalistes protégés en rentiers disposant d’un excellent réseau, ciblant dès lors les rentes mises à disposition par les sources au sein de la Communauté Européenne. Et lorsque l’euro est arrivé, et que des fleuves de prêts privés provenant de banques franco-allemandes ineptes ont été déversés en Grèce, le pays est entré dans une phase de croissance de type « pyramide de Ponzi », au sommet de laquelle festoyaient les têtes du Triangle du Péché : promoteurs, banquiers et propriétaires de médias. Tandis que les citoyens plus faibles luttaient de plus en plus pour joindre les deux bouts, notre nouvelle classe « entrepreneuriale » célébrait le mythe du « nouveau paradigme » de la Grèce, et son accession au sein du « saint des saints » de l’Europe.
Lorsque la bulle gonflée par la dette de ce « nouveau paradigme » grec a explosé, à la suite du crash mondial de 2008, les pouvoirs européens en place sont entrés dans la danse pour sauver les banques franco-allemandes en faillite, en imposant le prêt le plus énorme de l’histoire à un État grec qui était déjà, à ce moment, en faillite lui aussi – un prêt assorti de conditions qui garantissaient l’effondrement du secteur privé grec, et la conversion du pays en une « colonie de la dette ». C’est ainsi que la Grèce est devenue un « Bailoutistan » en état d’insolvabilité permanente, fondé sur une quadruple faillite : un état en faillite, des banques en faillite, des familles en faillite, et des entreprises en faillite : Chacun est endetté envers tous les autres, et personne ne peut rembourser !
Ce qui constituait une tragédie pour l’immense majorité des grecs fut bien sûr identifié comme une opportunité formidable par les oligarques sans frontières. Des « cleptocrates » nationaux virent dans les prêts de sauvetage une manne céleste. Des investisseurs « étrangers » furent inspirés par les ventes au rabais des biens publics. Les eurocrates prirent conscience que le processus instauré par la troïka leur offrait un large espace pour créer de nouveaux postes, de nouveaux pouvoirs et de nouvelles rentes pour eux-mêmes. Quiconque avait l’audace de les défier ou de leur dire NON était diabolisé. Mensonges et distorsions devinrent une nouvelle forme d’art, non pas pour dissimuler la vérité (qui n’était plus dissimulable), mais pour imposer leur droit à créer la cacophonie nécessaire pour noyer tout débat public sensé, et ainsi faciliter la perpétuation de la « prison de la dette » de la Grèce.
LA FUITE DE LA GRÈCE : L’IMPORTANCE D’UN LARGE FRONT
Aucune insolvabilité n’a jamais été résolue par de nouveaux prêts, ou par la prolongation des prêts existants. Pour échapper à sa quadruple faillite, la Grèce a besoin d’une restructuration significative de ses dettes publique et privée. C’est la seule manière de mettre fin au cercle vicieux d’une austérité qui s’auto-alimente, et de donner aux gens une chance de pouvoir à nouveau respirer. Bien sûr, si une restructuration de la dette est indispensable, elle n’est pas une condition suffisante pour un rétablissement réel de la Grèce. Nous avons aussi besoin d’interventions qui :
- protègent les travailleurs de la guerre de classe sans répit menée contre eux par l’oligarchie, avec un important soutien de la part de la troïka ;
- protègent les entrepreneurs créatifs et productifs d’un establishment oligarchique prédateur, à la recherche effrénée de rentes toujours plus élevées ;
- place les actifs publics au service du bien commun ;
- fasse évoluer l’État de prédateur à allié des citoyens. L’évasion de la prison de la dette exige la formation d’un large front de citoyens actifs et de mouvements politiques venant de différents horizons idéologiques (ils peuvent même être en compétition). Tout en préservant nos différences idéologiques et nos visions propres de ce qu’est une bonne société, nous nous sommes réunis au sein de MeRA25, déterminés à nous battre ensemble dans la lutte commune contre l’impasse dans laquelle nous nous trouvons.
Pour commencer, nous avons identifié sept axes immédiats qui définissent notre programme politique initial, et urgent.
SEPT AXES URGENTS
- Une restructuration de la dette publique basée sur le lien entre (a) la taille et le taux de remboursement de la dette publique et (b) la taille et le taux de croissance du revenu national nominal
- Un objectif de surplus budgétaire primaire à long terme qui met fin à l’austérité (entre 0 % et 5 % du revenu national, en fonction du cycle économique)
- Une restructuration de la dette privée par un organisme de gestion des actifs publics, avec un moratoire immédiat de 5 ans sur les saisies aux enchères
- De larges diminutions des taux d’imposition : une TVA maximale et un taux d’imposition maximal des petites et moyennes entreprises entre 15 % et 18 %, la fin du paiement d’avance des impôts, une plus grande progressivité dans les taux d’imposition des revenus
- La mise sur pied d’un système de paiements non-bancaire public, basé sur l’interface web de l’administration fiscale, pour permettre les remboursements d’arriérés de manière multilatérale, des transactions gratuites, et pour financer (partiellement) un programme de lutte contre la pauvreté
- La protection du travail salarié et de l’entrepreneuriat créatif / productif : le travail salarié ne sera plus payé selon les règles des « fournisseurs de services » ; un moratoire de 5 ans sur les cotisations sociales des start-ups, un plafonnement à 50 % des bénéfices pour l’ensemble de la facture fiscale et de sécurité sociale d’une entreprise
- La transformation de l’organisme chargé des ventes au rabais de la Grèce (les privatisations) en une banque de développement – en lui octroyant une licence bancaire, en mettant fin à toutes les ventes au rabais, et en utilisant les actifs publics comme garanties dans le but de créer des flux d’investissement vers les mêmes actifs publics, ainsi que vers le secteur privé. Les actions de cette nouvelle banque de développement seront transférées vers des fonds de pension, afin de renforcer leur base de capital.
DÉSOBÉISSANCE CONSTRUCTIVE – DÉSOBÉISSANCE RESPONSABLE
Dire « non » ne suffit pas. La désobéissance doit s’accompagner d’un programme alternatif cohérent, crédible et convainquant – à savoir, le programme politique social et économique minimaliste et intégré dont la Grèce a besoin. Les SEPT AXES que MeRA25 met en avant constituent le socle minimaliste de toute proposition responsable pour relancer la Grèce, qu’elle se trouve à l’intérieur ou hors de la zone euro. Leur mise en œuvre donnera à la Grèce le minimum dont elle a besoin pour mettre fin à l’étranglement de son peuple.
Des propositions responsables, crédibles et constructives ne suffisent pas non plus. Aucune logique économique ou politique sociale (ex. la réduction des taux de TVA) ne peut réussir, si sa mise en œuvre est conditionnée à l’approbation de l’Eurogroupe. Quel que soit le gouvernement grec qui se présenterait avec des propositions responsables, il se heurterait au mur du désintérêt total des créanciers pour le rétablissement de la Grèce. Les fonctionnaires des créanciers ne se soucient que d’une seule chose, qui leur tient à coeur : comment reproduire leur nouveau réseau de pouvoir et leurs pratiques de recherche de rentes au niveau pan-européen, sur les bases de nouvelles structures et de nouvelles « règles » qu’ils ont instaurées durant la dernière décennie, dans la foulée de la troïka et de l’Eurogroupe.
Nous ne répéterons pas l’expérience de 2015. Les SEPT AXES seront votés comme loi au sein du parlement grec sans qu’il y ait de négociation préalable à l’Eurogroupe. Et lorsque les menaces commenceront à être proférées par Bruxelles, Francfort et Berlin, nous leur répondrons ceci : DÉSOBÉISSANCE CONSTRUCTIVE ! Cela veut dire :
- Légiférer immédiatement sur les SEPT AXES
- Tant que l’Eurogroupe refusera d’accepter nos SEPT AXES comme la base de tout plan de développement de la Grèce, le gouvernement grec suivra la politique « de la chaise vide » du Général De Gaulle : il refusera d’envoyer un représentant au Conseil Européen ou à l’Eurogroupe. Dans le même temps :
-
- Tous les remboursements au FMI, à la BCE et au MES/FSEF (mécanisme et fonds européens de stabilité) seront suspendus
- Les transactions financières nationales continueront à se dérouler sans entraves grâce aux cartes de débit et de crédit, au web-banking et au système de paiement non-bancaire public (voir le Principe n°5 ci-dessus)
- Toutes les liquidités existantes libellées en euro seront utilisées judicieusement pour importer des biens essentiels, et pour soutenir les exportateurs grecs.
De cette façon, la Grèce demeurera dans la zone euro aussi longtemps que nécessaire jusqu’à ce que l’Europe « officielle » choisisse une fois pour toutes entre :
(a) le coût gigantesque d’un Grexit (qui surviendra s’ils insistent sur leur rejet de nos SEPT AXES) ; et
(b) l’acceptation des SEPT AXES comme base du rétablissement de la Grèce au sein de la zone euro.
Même si (b) serait mutuellement avantageux, il n’y a aucune garantie que l’Establishment politique européen agira dans l’intérêt d’une majorité d’européens. Quoi qu’il en soit, du point de vue de la Grèce, même si (b) est de loin préférable à (a), la mise en œuvre des SEPT AXES est notre meilleure stratégie, quelle que puisse être la réponse officielle de l’Europe (voir la section suivante).
NOTRE POSITION VIS-À-VIS DE L’EURO
La Grèce n’aurait jamais dû entrer dans la zone euro. La manière dont l’euro a été conçu ne pouvait que déboucher sur des crises bancaires (en l’absence de mécanismes institutionnels d’auto-absorption des chocs) ayant pour conséquence de faire de l’Union Européenne la cage de fer d’une austérité qui s’auto-alimente. Derrière ces barreaux d’acier, forgés par une pseudo-technocratie européenne dont le seul objectif est de servir ses seuls intérêts, il était inéluctable que s’en suivent guerre de classe sans répit et humiliations rituelles des parlements. L’idée d’une Europe qui soit un domaine démocratique de prospérité partagée était, dès lors, condamnée aussitôt séchée l’encre utilisée pour signer le Traité de Maastricht.
Cependant, une fois que l’on se trouve à l’intérieur de la zone euro, le coût pour en sortir est très important, tant pour le pays sortant que pour l’Europe dans son ensemble – car sa désintégration menacerait l’Union d’une version post-moderne de la déflation des années 1930. C’est pour cela que DiEM25 a publié un programme-cadre économique et social, notre NEW DEAL EUROPÉEN, dont la raison d’être est de démontrer comment les institutions existantes peuvent être redéployées au sein des cadres légaux en vigueur, pour civiliser la zone euro – pour faire de la cage de fer une zone de relance et de développement vert.
Le NEW DEAL EUROPÉEN DE DiEM25 sera proposé aux électeurs européens de toute l’Europe, lors des prochaines élections parlementaires européennes. Dans le même temps, en ce qui concerne la Grèce, notre position est simple : l’extension jusqu’à… 2060 de notre « prison de la dette » (la proposition de l’Europe « officielle ») constitue le pire avenir possible pour la Grèce : une perspective bien plus noire que la menace d’un Grexit.
Les partis politiques qui ont capitulé devant les directives de Bruxelles et de Francfort (Syriza, la Nouvelle Démocratie, le PASOK) sont peut-être en désaccord sur le caractère thérapeutique de ces mesures mais, néanmoins, ils sont tous d’accord sur le fait que le pire résultat pour la Grèce serait une sortie (ou une expulsion) de l’euro. D’autres partis (le KKE, Unité Populaire) considèrent que le Grexit est la meilleure solution. MeRA25 est en désaccord avec ces deux choix d’issues : le Grexit n’est ni la meilleure, ni la pire solution pour la Grèce !
Plus précisément, nous classons les façons potentielles d’en sortir comme suit :
- Notre solution préférée serait la mise en œuvre des SEPT AXES au sein de la zone euro (tandis que les forces progressistes européennes coopèrent pour mettre en œuvre le NEW DEAL VERT EUROPÉEN de DiEM25 dans toute l’Europe)
- La deuxième meilleure (ou moins pire !) solution serait la mise en œuvre des SEPT AXES suivie de l’expulsion de la Grèce de la zone euro par les pouvoirs européens en place
- Le pire des scénarios, notre cauchemar, serait une reconduction perpétuelle de la « prison de la dette » de la Grèce au sein de la zone euro, telle que garantie par les politiques menées actuellement et le système politique en place.
COMMENT L’ESTABLISHMENT POLITIQUE, DOMINÉ PAR LA TROÏKA, RÉAGIRA-T-IL ?
« Et ça recommence ! », nous les entendons déjà nous railler. « Ils veulent nous ramener en 2015. Re-voici un autre Kougi, un autre Zalogo. Les revoilà avec une nième négociation soi-disant héroïque qui menace la place de la Grèce en Europe ». Ils nous traiteront de naïfs, voire de traîtres. Ils nous accuseront de vouloir mettre la Grèce en danger, encore une fois.
Cependant, ils oublient que :
- Tant Kougi que Zagolo (deux moments dans la résistance des grecs contre l’Empire Ottoman, bien avant la révolution grecque de 1821 – à deux reprises, les rebelles ont connu une mort héroïque, après avoir perdu la bataille contre les forces d’occupation basées en Épire), que la résistance opposée aux Nazis durant les années 1940, ou le soulèvement de l’Université Polytechnique d’Athènes en 1973 – aucune de ces actions n’a « mis la Grèce en danger ». Ce sont bien les occupants ottomans, nazis, et la junte des Colonels qui faillirent détruire la Grèce, personne d’autre !
- Affronter la troïka et l’oligarchie ne met pas la Grèce en péril. Succomber à leurs taux de taxes et leur austérité absurdes, accepter leur éradication des droits des travailleurs, se soumettre à leur Faillitocratie, acquiescer à leur explication de ce que fut l’objectif du « sauvetage » (rien que parce que la troïka changera le nom de ce programme) – voilà ce qui met en danger notre pays et notre peuple ! Pour résumer, le pire aventurisme est celui qui consiste à perpétuer la prison de la dette de la Grèce ! Le « triangle du péché » de la Grèce (promoteurs-banquiers-propriétaires de médias), ainsi que l’establishment politique qui représente leurs intérêts se déchaîneront contre nous. Leur haine envers nous ne fera que démontrer notre force.
- Nous comprenons que les prêts accordés par la troïka (directement ou indirectement, à travers les marchés financiers) leur sont indispensables, puisqu’ils en tirent leur pouvoir
- Nous reconnaissons que le processus de la troïka est l’ossature du mécanisme de leur pouvoir, érigé sur notre asservissement à la dette
- Nous percevons leur besoin de diaboliser la DÉSOBÉISSANCE CONSTRUCTIVE, de manière à ce qu’ils puissent se sauver tout en coulant le pays – tout comme des virus tuent l’organisme au sein duquel ils vivent
- Nous considérons avec sympathie l’impulsion de ceux qui ont cédé, qui consiste à haïr ceux qui refusent de capituler. C’est pour cela que, avec stoïcisme, sans peur, passion ou dégoût, nous percevons leur dégoût, leur haine, leur mépris, comme des signes nous indiquant que nous sommes sur la bonne voie.
NOUS NE NOUS CONTENTERONS PAS DE RESTER EN EUROPE. NOUS SOMMES L’EUROPE !
MeRA25 est issu de l’essence même du premier mouvement authentiquement progressiste, internationaliste et pan-européen : DiEM25. En tant que parti radicalement européiste, nous mettons en lumière l’anti-européanisme de ceux qui identifient l’Europe avec l’alliance contre nature (de l’establishment européen profond et d’une pseudo-technocratie cherchant à maximiser sa rente) qui abîme l’Europe un peu plus chaque jour.
Ceux qui se parent du drapeau européen avant de nous menacer, nous les grecs, de toutes sortes de sanctions affreuses si nous avons l’outrecuidance de légiférer sur nos SEPT AXES, doivent certainement avoir une très mauvaise opinion de… l’Europe ! L’Europe de ses peuples, à laquelle DiEM25 appartient, ne fait qu’un avec nous, et lutte bec et ongles contre leur alliance contre nature.
MeRA25 n’acceptera aucune politique qui sacrifie le peuple grec au nom de soi-disant intérêts européens. En outre, nous ne proposerons aucune politique qui ait pour objet d’être bénéfique pour les grecs aux dépens d’autres peuples, en Europe et au-delà.
- Nos politiques seront toujours synchronisées avec celles que DiEM25 propose dans l’intérêt des peuples européens – des politiques qui permettront aux grecs de respirer dans une Union Européenne qui se relance socialement et moralement.
- En tant que rassemblement internationaliste, MeRA25 considère que les intérêts du peuple grec sont totalement en phase avec les besoins des personnes dans le besoin à travers le monde. C’est pour cette raison que MeRA25 n’acceptera jamais de politiques européennes qui affaiblissent l’humanisme européen, et blessent l’âme des grecs – par exemple le traité de la honte signé entre l’UE et la Turquie sur le traitement des réfugiés qui s’échouent sur les plages des îles grecques.
- De nombreuses personnes affirment que la désintégration de cette Union Européenne sauvagement autoritaire est la solution. C’est faux ! Même si ses fondations sont fragiles, même si sa manière de fonctionner est autoritaire, même si ses politiques sont des politiques de classe, la désintégration de l’Union Européenne ne pourra que renforcer l’intolérance, les forces déflationnistes, ainsi que les forces politiques les plus régressives de notre continent. C’est pourquoi, plus que jamais, les démocrates radicaux doivent aussi penser et agir comme des européistes radicaux.
- D’autres prétendent que, quoi que nous croyions, la désintégration de cette Union Européenne est inévitable. Ils ont peut-être raison. L’Union Européenne sera démocratisée, ou elle se désintégrera ! Quoi qu’il en soit, l’étranglement de la Grèce doit prendre fin. Les démocrates grecs travailleront à l’unisson avec les démocrates progressistes de toute l’Europe, que l’Union Européenne se désintègre ou non. C’est ce projet radical, pan-européen que MeRA25 fait sien aujourd’hui, en adoptant la stratégie de DiEM25 : DEDANS & CONTRE – Dans l’Union Européenne. Contre cette Union Européenne !
NOTRE TRIPTYQUE
Internationalisme européen | Rationalité économique | Émancipation sociale
Patriotisme et Internationalisme Européen sont deux prérequis indivisibles pour le Rationalisme Européen qui manque tant à la Grèce et l’Europe. En tant que Grecs, nous devons réaliser que personne ne nous doit rien. Le reste du monde, le reste de l’Europe, n’ont aucune obligation de couvrir nos déficits, surtout lorsque ceux-ci sont utilisés pour nourrir notre oligarchie. Et pour autant, personne n’a le droit d’enfermer le peuple grec dans une « prison de la dette » dans laquelle la jeunesse, paralysée par l’étreinte d’acier d’une insolvabilité profonde et multiple, ne peut ni rêver, ni créer.
En revanche, la Rationalité Économique rend possible la souveraineté démocratique et populaire sans laquelle il est impossible d’accomplir une Émancipation Sociale pour se libérer de :
- la conviction qu’il n’y a pas d’autre alternative à un chemin menant au néant
l’absence de perspectives personnelles quels que soient le talent ou les efforts individuels fournis - l’exploitation brutale du travail salarié
- les taxations punitives qui éliminent la productivité entrepreneuriale
- la vue des jeunes qui abandonnent notre pays massivement
- les ventes forcées de notre propriété publique
- le sacrifice de notre environnement au nom d’un développement factice
- les attentes au rabais de nous-mêmes, de la Grèce, de l’Europe
- le fléau d’une faillite permanente qui perpétue le pouvoir des prédateurs créanciers
- un État qui punit et marginalise les fonctionnaires scrupuleux et productifs
- la sensation de capituler face à des situations qui ne semblent arrangeantes qu’après nous avoir aliénés de nos capacités potentielles
- l’absence d’Isegoria dans le débat public (Isegoria était un terme utilisé dans l’Athènes Antique – et un pendant de la démocratie – qui désignait le droit pour chaque opinion d’être évaluée entièrement sur la base de sa valeur, plutôt qu’en fonction de la personne qui l’a émise).
- l’humiliation de notre Parlement et la sordidité de notre processus démocratique
- la montée, inévitable en temps de crise, du bigotisme
- l’indignité généralisée.
LA DÉMOCRATIE COMMENCE À LA MAISON :
L’organisation interne de MeRA25 est indissociable de DiEM25. Notre but n’est pas uniquement de concevoir les bonnes politiques, mais aussi de nous éduquer à l’éthique démocratique que nos membres doivent cultiver, avant de faire valoir les besoins et les aspirations de la majorité qui désespère. Notre cadre politique, ainsi que la sélection des titulaires de charges publiques qui siégeront aux organes locaux, régionaux et nationaux de MeRA25, seront choisis par les membres de DiEM25, en accord avec nos Principes Organisateurs, via des votes de tous les membres pan-européens. De plus, les membres de MeRA25 seront soumis au Code de Conduite de Camaraderie qui sera approuvé, et amendé de la même façon.
NOTRE VISION POUR LA GRÈCE ET POUR L’EUROPE
Nous envisageons une Grèce et une Europe dont les propriétés suivantes pourront être discernées lorsqu’elles seront vues par leurs citoyens et le reste du monde :
La Grèce et l’Europe que nous voulons auront un ensemble de caractéristiques, que tous leurs citoyens et le reste du monde pourront observer. Ces caractéristiques sont les suivantes :
- Démocratique, dans le sens où le pouvoir politique émane de la majorité (qui « se trouve » être constituée de gens plus pauvres), plutôt que par quelques uns (les oligarques)
- Selon le principe grec « ισηγορία » (issigoria) signifiant que chaque opinion est évaluée sur les bases de sa valeur, plutôt que sur celui ou celle qui l’a émise (ou en fonction des intérêts qu’elle sert)
- Sociale, dans le fait que ses membres jugent la civilité de notre société en fonction de la manière dont elle traite ses citoyens les plus faibles, les « autres », et les gens « différents »
- Authentiquement libérale, avec un sens de la liberté qui va bien au-delà de la libération d’une interférence externe, offrant également (a) une protection contre l’exploitation causée par des options intégralement inégalitaires, et (b) les moyens matériels (et le temps) nécessaires pour développer les talents et la personnalité des citoyens
- Réaliste, en fixant des objectifs économiques réalisables
- Tolérante, avec un maximum de degrés de liberté offerts à chaque personne pour ses actions et ses choix de partenaires de vie, de travail et de jeu
- Égalitaire dans l’opportunité, demandant une vigilance constante et multidimensionnelle contre les discriminations sociales, ethniques et de genre
- Décentralisée et plurielle – une Grèce et une Europe aux régions diverses, ethnicités, opinions philosophiques de ce qui constitue une bonne société, langues, cultures, identités de personnes et groupes
- Cultivée, c’est-à-dire une société enrichie par les différences culturelles et fière non seulement de ses traditions anciennes mais aussi des créateurs contemporains, même « hérétiques »
- Participative, utilisant son autorité centrale pour garantir une gestion démocratique et participative dans nos espaces de travail, dans nos villes, dans nos régions
- Ouverte, car elle reconnaît que les murs, les barbelés et les barrières électriques aux frontières sont incompatibles avec des pays fiers et confiants
- Durable, qui reconnaît les limites naturelles de la croissance économique, et qui minimise notre empreinte écologique dans ses activités
- Écologique, qui mette en place la transition écologique mondiale dans les secteurs de l’énergie, du transport et de la production matérielle en tant qu’un de ses objectifs de politique étrangère
- Pacifique, qui désamorce les tensions géopolitiques et opère comme une entrave aux forces déstabilisatrices, aux sirènes du militarisme, à toutes sortes d’expansionnisme sur le sol européen et au-delà.
ÉPILOGUE
Dans tout pays « normal », la distribution des charges et des privilèges, des revenus et pertes, de la richesse et de la pauvreté, est déterminée par la lutte des classes – de la lutte acharnée entre les salaires et les profits, la main d’œuvre et le capital, le créancier et le débiteur. Mais la Grèce a cessé depuis des années d’être un pays « normal ». Depuis qu’elle est tombée dans le piège de l’asservissement à la dette, l’insolvabilité a aliéné les salariés et les employeurs, les propriétaires et les locataires, les importateurs et les exportateurs.
Dans ce nouveau régime étrange, la seule bénéficiaire est l’oligarchie interne qui parasite ce régime et place ses intérêts avec ceux des créanciers de la Grèce ; celle qui impitoyablement exploite le processus de la troïka, et ce faisant, maintient son pouvoir sur les citoyens qu’elle étrille pour les nouvelles dettes qu’elle lui lègue.
Les partis au gouvernement, de droite comme de gauche, ont sacrifié leur propre idéologie sur l’autel de leur acceptation de ce nouveau régime. Le néolibéralisme du parti Nouvelle Démocratie et le marxisme-avec-une-touche-keynésienne de SYRIZA ont tous deux été largués le long du chemin de leur capitulation inavouée face à la troïka.
MeRA25 est fondé aujourd’hui en tant que vaste alliance progressiste de la Gauche, des Verts et des Grecs Libéraux. Sa pierre fondatrice est notre détermination commune de mettre fin à l’asservissement de la Grèce à la dette, ainsi qu’au régime étrange qui reproduit cette asservissement. Notre seul véritable ennemi est la déception qui pousse les citoyens merveilleusement politisés à rester dans les lignes de touche de la politique, convaincus « qu’il n’y a pas d’espoir » à retirer de leur réengagement politique.
L’histoire grecque nous a appris que les meilleurs moments pour notre peuple ont lieu à l’apogée des pires crises. Précisément au moment où tout semble trop sombre, morose et désespéré pour pouvoir s’exprimer par des mots, les Grecs trouvent malgré tout le courage de rejeter leur peur d’une nouvelle défaite pour embrasser une désobéissance responsable des choses qui les oppressent. Aujourd’hui, la Grèce, face à la désertion, se retrouve de nouveau confrontée à un de ces moments historiques – dans l’heure la plus sombre de notre nuit atrocement longue. C’est le moment d’agir !
Nous ne craignons pas l’échec. Nous craignons la capitulation, la soumission, la reddition. Et nous sommes terrorisés par l’actuelle absence radicale de perspectives, d’espoir, d’un plan d’évasion de leurs « sauvetages financiers », leurs « mesures », leurs « à condition », leurs « accords », leur définition de « responsabilité ».
Nous ne craignons pas de mettre le barre trop haut et d’échouer. Nous craignons la perspective d’habituer nos yeux à regarder trop bas pour finir, de nouveau, à genoux.
C’est pourquoi, aujourd’hui, nous créons MeRA25.
MANIFESTE
L’état de « prison de la dette » permanent, qui menace la Grèce de désertification, hante l’esprit des citoyens grecs.
Forcés d’assister, impuissants, à l’émigration de la jeunesse grecque qui a un haut niveau d’études, et à la décomposition de leur société, l’indignité remplit leurs cœurs.
Incapables de discerner ne serait-ce qu’une faible lueur dans la nuit sans fin de notre Grande Dépression, leur humiliation est attisée par chaque déclaration des Puissants lorsqu’ils leur disent, avec délectation, que la crise va se terminer grâce à la mise en œuvre enthousiaste de ces mêmes politiques qui l’ont causée.
Leur colère atteint son paroxysme lorsqu’ils sont les témoins de la dégénérescence de nos tribunaux, et de l’objet de honte qu’est devenu notre parlement : des procureurs incapables d’engager les poursuites contre une corruption qui s’étale au grand jour, des parlementaires de la majorité gouvernementale qui votent en faveur de lois qu’ils réprouvent (contraints par Bruxelles et Francfort), et des députés d’opposition qui votent contre, tout en promettant de mettre en œuvre ces mêmes lois !
Rien ne menace plus un pays et son peuple que le sentiment qu’il n’y a aucune alternative à une voie qui ne mène nulle part.
Aucun espoir ne peut prendre racine dans une terre où ceux qui avaient décidé de rompre avec un passé non viable le reproduisent chaque jour.
Aucune aide ne peut venir d’une opposition qui fait des promesses dont la réalisation nécessite la rupture avec une Union Européenne à laquelle ils sont fermement opposés !
C’est pour toutes ces raisons que nous lançons maintenant MeRA25 – Le Front de Désobéissance Européen Réaliste : nous faisons ce pas en avant pour que l’espoir, et le sentiment que des alternatives réalistes existent réellement, puisse revenir dans ce paysage politique aride et désolé.
Pourquoi un front ?
Parce que la Grèce suffoque, prisonnière d’un processus de désertification au sein d’une Europe à la dérive, et elle-même en proie à un processus de déconstruction.
Parce que, aussi longtemps que des pays comme la Grèce continueront à suffoquer, l’Europe demeurera à la dérive, renforçant ainsi l’étranglement de notre pays. Seul un front large, unificateur et pan-européen contre l’oligarchie sans frontière dominante, qui est responsable de notre servitude par la dette, peut permettre à la Grèce de respirer à nouveau, et de rendre espoir à ses citoyens. C’est exactement cela que MeRA25 représente : un front patriotique grec d’européistes désobéissants responsables – une partie indivisible de DiEM25, le premier mouvement pan-européen et transnational de l’histoire dont la raison d’être est de démocratiser l’Europe en général, et chacun de nos pays en particulier.
Pourquoi une désobéissance européenne ?
Parce que la seule manière d’agir de manière responsable aujourd’hui est de désobéir aux politiques irrationnelles qui détruisent notre pays et le transforment en un désert.
Parce que le respect de notre Parlement, de notre Constitution, la logique elle-même, ne peuvent être réinstaurés qu’en mettant fin à une obéissance aveugle aux directives de la troïka et de notre oligarchie.
Aujourd’hui les citoyens réellement européistes refusent d’obéir servilement aux pseudo-technocrates incompétents qui sacrifient la Grèce sur l’autel des petits intérêts des oligarques qu’ils servent et, ce faisant, détruisent la légitimité de l’Europe.
Pourquoi la désobéissance réaliste ?
Parce que la simple désobéissance ne suffit pas !
Pour avoir un impact positif, la désobéissance doit s’accompagner d’un programme politique complet, réaliste et constructif.
Pourquoi MeRA25 ?
Parce que les grecs en ont assez de la nuit sans fin de notre Grande Dépression (d’ailleurs, « Mera » signifie « jour » ou, en latin, « diem », et ainsi MeRA25 symbolise les liens entre DiEM25 et l’internationalisme européiste de notre nouveau parti).
Article de Yanis Varoufakis paru le 13 mars 2018 dans OpenDemocracy.net
https://www.opendemocracy.net/can-europe-make-it/yanis-varoufakis/mera25-new-greek-political-party
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