Yanis Varoufakis lors de la réunion publique du Printemps européen à Berlin, le 25/1/2109. ©Pidjyphotography

S'unir pourquoi? Reconstruire la gauche, refonder le projet européen

Diem25 partage évidemment le désarroi exprimé par de nombreux citoyens et militants quant à la dispersion de la gauche en France et au champ libre laissé à LREM et ses alliés, dans une période où la contestation populaire de leur action est pourtant manifeste.
Pour autant, l’appel à l’union ne peut avoir de sens pour nous que s’il s’inscrit dans une perspective de reconstruction cohérente de la gauche (qui doit bien sûr laisser la place à la pluralité), et, dans le cas présent des élections Européennes, d’une refondation ambitieuse du projet européen. Sans cela il ne s’agirait que de prolonger un peu plus la lente agonie de notre camp, et de créer les conditions pour de nouvelles trahisons des questionnements, revendications et aspirations des classes populaires.
De notre point de vue, l’Europe n’est pas en premier lieu un enjeu idéologique. L’Europe, c’est avant tout l’échelle minimale à laquelle un certain nombre de problèmes économiques et politiques majeurs se posent aujourd’hui pour nous, qu’on le veuille ou non. Il s’agit là d’une contrainte matérielle en face de laquelle la dénonciation des institutions européennes telles qu’elles existent ne constitue pas une réponse suffisante. En particulier, la promesse de renationaliser les enjeux est un leurre derrière lequel se cache un futur où la concurrence et les conflits entre les nations européennes seront exacerbés, où la prospérité des uns se fera — encore plus — aux dépens des autres, et où les peuples seront plus que jamais impuissants à contester le pouvoir du capital sur leurs existences.
Les marges de manœuvres existent pour renverser la vapeur de la construction européenne. La Banque Centrale Européenne, plutôt que de voler au secours du capitalisme financier, pourrait soutenir, essentiellement avec les mêmes moyens, une politique massive par la Banque Européenne d’Investissement en faveur de la transition écologique dont nous avons un besoin urgent. Elle pourrait contribuer à créer du Commun à l’échelle de l’Europe et par là même réinvestir les citoyens dans la construction européenne. Cette route ne s’ouvrira que si les peuples d’Europe s’emparent progressivement du projet européen, que s’ils exigent, à l’échelle de l’Europe, des politiques orientées vers le bien commun.
L’échelle européenne est une évidence pour nombre d’associations qui luttent pour changer les politiques écologiques, migratoires, économiques ; elle doit en devenir une pour nos partis politiques aussi. Pour renaître, la gauche doit pouvoir s’appuyer sur un mouvement social qui grandisse à l’échelle de l’Europe. Si cette perspective peut sembler lointaine, des frémissements se sont pourtant fait sentir, contre la directive Bolkestein, autour des marches pour le climat, des mobilisations contre les traités internationaux, dans l’identification de nombreux citoyens européens avec le peuple Grec face à la brutalité de la Troika…
La responsabilité des partis de gauche français est à tout le moins de ne pas empêcher cette émergence, de ne pas travestir la réalité, en se repliant, parce que cela est plus commode, sur une idéologie nationale, de ne pas prétendre, par exemple, que de soumettre la BCE aux divers intérêts nationaux la soustrairait comme par miracle au pouvoir du capitalisme financier. De façon toute aussi cruciale, elle est d’affirmer clairement qu’ils ne trahiront pas une nouvelle fois leurs électeurs et militants, en acceptant de participer à un énième « compromis » de gouvernance au Parlement Européen qui ne serve en fait que les intérêts des ploutocrates.
En cohérence avec cette position nous pensons que l’union n’a de sens que sur la base d’une définition d’une stratégie européenne commune, modeste dans ses premiers pas, mais ambitieuses dans ses visées. Celle-ci n’aurait pas vocation à résorber toutes les différences à gauche, d’évidence une chimère, mais à remettre le projet européen là où il aurait toujours dû être, entre les mains du peuple européen, pour que ce dernier puisse se construire. Nous répondrons donc favorablement à toute les sollicitations pour échanger et élaborer un discours effectif à gauche, mais pensons que l’union ne doit pas s’accomplir aux dépens de la formulation d’un projet européen, ouvert, mais cohérent.
Martin Sarrazac, membre de la coordination nationale de DiEM 25 France
(Crédit Photo: Pierre-Jérôme Adjedj, Pidji Photography)

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