Le Fonds Européen de Relance est-il un pas vers l’intégration ou vers la désintégration de l’UE ?

La London School of Economics and Political Science interroge Yanis Varoufakis

Une discussion avec Yanis Varoufakis, présidée par Kevin Featherstone, et organisée par la Société Allemande et Hellénique de la London School of Economics. Il a abordé la question principale : le Fonds de Relance est-il un pas vers les fédérations et l’unité budgétaire / politique, ou est-ce une autre occasion perdue et un pas vers la fragmentation ? [en anglais]

Faits marquants

Lorsque vous dites que le Fonds de Relance pourrait être insuffisant, sous-entendez-vous qu’il faudrait un soutien en vue d’une union budgétaire beaucoup plus forte et d’une union politique parallèle ? Et à quoi ressemblerait cette UE ?

« L’Union Européenne doit se transformer en une république fédérale. Une fois que vous avez créé une monnaie commune, vous devez créer une union politique. Car une union budgétaire sans démocratie fédérale est une dictature. (…) Soit nous allons dans le sens d’une fédération, soit tout cela va se déformer. L’Europe est très riche et nous avons la capacité de continuer à gaspiller notre énergie économique tout en retardant la fédération ».

« Ce Fonds de Relance n’est pas la bonne voie vers la fédération. Il nous éloigne de la fédération. Ma critique n’est pas qu’il ne nous emmène pas assez vite vers la fédération, mais il sape – c’est de la dynamite – la voie vers la fédération. Je suis un fédéraliste, je le déclare, clairement ».

Pourquoi est-ce la mauvaise direction ?

« Un processus qui nous rassemble doit être automatisé. Vous ne pouvez pas laisser les politiciens s’en charger. (…) Lorsque 2020 est arrivé, certaines zones, certaines régions du Royaume-Uni ont plus souffert que d’autres ; le chômage a augmenté plus rapidement dans le Yorkshire que dans le Sussex. Et, généralement – mais pas toujours – le besoin de transferts budgétaires est plus important dans les régions les plus pauvres. (…) La beauté d’une union budgétaire, d’une union politique, est que les transferts sont automatisés. Que personne n’a à s’asseoir autour de la table et à décider : je vais prendre telle somme d’argent à Jill pour la donner à Jack. Imaginez le désastre que cela aurait été si, lorsque la pandémie a frappé, le Royaume-Uni avait dû faire ce qui se passe à Bruxelles avec le Conseil de l’Union Européenne. C’est-à-dire si un représentant du Nord-Est de l’Angleterre, un représentant du Sud-Est de l’Angleterre, un représentant du Nord du pays de Galles, du Sud du pays de Galles, de l’Écosse – devaient s’asseoir autour de la table et négocier la manière d’effectuer un transfert budgétaire. Ce serait du poison. Toutes sortes de doigts moralisateurs seraient pointés sur les gens. »

« Il est vrai que nous parlons d’un changement majeur – au moins au niveau conceptuel – car cette fois, l’argent que l’Union Européenne va emprunter pour couvrir le Fonds de Relance, va être emprunté par, en fait, des euro-obligations. Les obligations de la Commission européenne sont des euro-obligations parce qu’elles sont au nom de tous : elles sont homogènes, elles ne sont pas fragmentées ».

« Je sais qui va recevoir l’argent. Et je peux vous dire qu’il ne s’agira pas de petites entreprises. Ce ne seront pas les jeunes start ups que nous devons retenir en Grèce pour mettre fin à la fuite des cerveaux. Ce seront les mêmes vieux oligarques qui ont causé la faillite en premier lieu ».

 

Texte traduit en français par Elise Kerremans.

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