Versement des dividendes : la réalité capitaliste derrière les mesurettes gouvernementales

Dans un certain nombre de pays, les gouvernements ont interdit ou limité les versements de dividende aux actionnaires en raison de la pandémie de Covid. Fin mars, la Banque centrale européenne a formellement interdit aux banques de la zone Euro de verser des dividendes avant le 1er octobre 2020, pour les exercices 2019 et 2020. Certains pays, comme le Danemark et la Pologne ont non seulement interdit les aides publiques aux entreprises qui versent des dividendes, mais aussi à celles qui sont immatriculées dans les paradis fiscaux. Ils ont également interdit le rachat d’actions, c’est-à-dire le rachat de leurs propres actions par les entreprises aux actionnaires, une pratique qui leur permet généralement de faire monter les cours et de contourner certaines règles fiscales tout en remplaçant les dividendes.
En France, le gouvernement à longuement tergiversé avant de délivrer, comme à son habitude, un message timoré et contradictoire. Bruno Le Maire, ministre de l’économie et des finances, a appelé les entreprises à « à diminuer d’au moins un tiers le versement des dividendes en 2020 ». Mais les ordonnances signées par le gouvernement fin mars se contentent de l’interdire, jusque fin 2020, pour les entreprises et groupes de plus de 5000 salariés ou avec un chiffre d’affaires consolidé supérieur à 1,5 milliard d’euros en France, et uniquement si elles bénéficient du soutien de l’Etat pendant la crise. Des règles aussi embrouillées s’appliquent aux rachats d’actions, qui restent possibles sous certaines conditions.
Comme toujours, les effets d’annonces de Macron et de sa cacophonie ministérielle sont des tromperies caractérisées. L’effet des ordonnances, c’est que les capitalistes peuvent opter pour deux stratégies. Soit elles sont en difficulté, et elles sollicitent l’aide de l’Etat, soit elles peuvent se permettre de verser des dividendes vertigineux, et elles ne se gênent pas pour le faire : le 20 avril, les actionnaires de Vivendi ont voté, à une très large majorité, l’augmentation de 20% de leurs dividendes annuels. D’autres, plus prudentes, se contentent de mettre des fonds en réserve pour le moment où elles pourront les distribuer de manière moins ostensible. Plusieurs sociétés l’ont d’ailleurs pratiqué ces dernières semaines, telles que Accor, Carrefour, LVMH, Renault, Sodexo et Vivendi. Il a fallu cela pour Bruno Le Maire montre un peu plus de fermeté sur le sujet.
De son côté, l’Association française des entreprises privées (AFEP), qui regroupe les 110 plus grands groupes français, a rappelé son attachement « principe de la libre détermination du dividende par les entreprises », tout en demandant aux entreprises adhérentes qui auraient recours au chômage partiel  de réduire de 25 % la rémunération de leurs dirigeants et de baisser leurs dividendes de 20 %. Là encore, on peut toujours se réjouir de ce que les rémunérations délirantes des dirigeants des grands groupes capitalistes soient un peu rabotées, mais la réalité est tout autre : soit elles peuvent spéculer sur la crise et continuer à enrichir les plus riches, soit elles sont en difficulté et on leur recommande de se serrer un peu la ceinture en attendant des jours meilleurs pour eux.
L’assemblée nationale a également voté l’absence d’aides publiques aux entreprises immatriculées dans des paradis fiscaux.  Là encore, cela pourrait ressembler à une mesure radicale, d’ailleurs saluée comme telle par une partie de la gauche. En réalité, la liste officielle des paradis fiscaux est extrêmement courte et surtout, ne contient aucun pays européen. Par contre, de plus en plus de groupes capitalistes – en particulier ceux qui ont bénéficié des plus généreuses aides publiques –  installent leur siège aux Pays-Bas ou en Irlande, où ils bénéficient d’une fiscalité avantageuse. Autrement dit, c’est encore une mesurette aux effets pratiques limités, sans attaquer de front la réalité de l’évasion fiscale, sans poser la question de l’harmonisation fiscale en Europe, ni des réalités du dumping allègrement pratiqué par les entreprises capitalistes.
Soit, des groupes capitalistes et non des moindres renoncent provisoirement à verser des dividendes à leurs actionnaires, ce n’est pas négligeable. Mais les mesures prises par Macron et son gouvernement ne font qu’appliquer une vieille recette : la socialisation des pertes et la privatisation des bénéfices.
Rien n’interdit, demain, ces mêmes groupes capitalistes maintenus à flot par un soutien public, c’est-à-dire par les richesses produites par le monde du travail et versées sous forme d’impôt à l’Etat, de se verser de nouveau de généreux bénéfices pour oublier la crise. Voilà ce Macron, voilà ce que la droite au pouvoir font réellement lorsqu’ils se donnent des allures radicales. La seule chose qu’on peut en retenir, c’est qu’une politique déterminée peut, même à l’échelle européenne, mettre fin aux versements de dividendes et au pouvoir des actionnaires. C’est bien ce que nous voulons, pas de manière temporaire, mais définitive.
La pandémie montre chaque jour la réalité : c’est bien ce monde du travail, infirmières, aides soignantes, caissières, ouvriers et ouvrières, qui est indispensable à la vie quotidienne, mais qui ont les plus faibles revenus, alors que les capitalistes font la preuve de leur inutilité et de leur caractère nuisible. Voilà pourquoi, dans un monde postcapitaliste, les dividendes doivent disparaître. Il faut virer les actionnaires, tout simplement. Les conseils d’administration qui décident aujourd’hui des sommes fabuleuses qu’ils s’octroient et des stratégies pour extraire toujours plus de profit sur le dos du monde du travail, doivent être remplacés par des conseils élus par les salarié·es dans le cadre d’une démocratie économique.
Nicolas Dessaux (collectif national de DiEM25 pour la France)
 

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